Recensioni / Les Chemins de Pierre Bergounioux

Pierre Bergounioux, écrivain très prolifique, est reconnu par la critique comme un grand écrivain contemporain, pour la richesse de son oeuvre, pour la profondeur de sa quête littéraire et existentielle, pour le regard avisé qu’il pose sur le monde et sur l’homme. La Bibliographie sélective placée en fin de volume démontre que, depuis les années 1990, son oeuvre est devenue systématiquement l’objet du regard attentif de la critique universitaire. La constance de cet intérêt est attestée par la présence d’une panoplie d’articles parus sans discontinuité au fil des ans. En outre, des exégèses approfondies de son oeuvre figurent dans des volumes consacrés aux spécificités de l’écriture contemporaine (cf. A. Adler, Éclats de vies muettes. Figures du minuscule et du marginal dans les récits de vie de François Bon, Annie Ernaux, Pierre Bergounioux et Pierre Michon, 2012 ; S. Coyault Dublanchet, La Province en héritage : Pierre Michon, Pierre Bergounioux, Richard Millet, 2002 ; L. Demanze, Encres orphelines: Pierre Bergounioux, Pierre Michon, Gérard Macé, 2008). Pourtant, jusqu’à présent, seuls trois volumes ont été entièrement consacrés à l’oeuvre de l’écrivain limousin, deux dossiers de revue (Théodore Balmoral, 45/2003-2004, et Littératures, 60/2009) et une monographie (M.-T. Jacquet, Fiction Bergounioux, 2006).
Cet ouvrage collectif, issu de deux colloques internationaux (Clermont-Ferrand, 2013 et Bari, 2014) constitue ainsi une sorte de somme critique : d’une part on y prend en compte la totalité des écrits bergouniens, d’autre part on y peut lire les contributions des critiques les plus fidèles à l’auteur, ceux qui se sont penchés sur son oeuvre depuis plusieurs années et à plusieurs occasions. On peut alors constater l’exhaustivité de l’essai où l’entrecroisement et la mise en séquence des divers regards permettent d’appréhender le long et riche parcours littéraire de l’écrivain, les divers genres qu’il a utilisés et les transformations dans le temps de son style et de sa poétique.
Le volume est composé de cinq parties où les « regards panoramiques sur l’oeuvre » (Coyault Dublanchet, p. 11) côtoient des études sur des textes spécifiques. La première partie est consacrée à l’« oeuvre polymorphe » : l’on y souligne les transformations de l’écriture dans le temps (M.-T. Jacquet et M. Barraband) et les diversités des récits de filiation et d’enfance (M. van Montfrans, G.A. Falco, A.Schaffner). La deuxième partie, « Les voies de la connaissance », met en évidence la recherche constante que Bergounioux poursuit et qu’il pratique par l’écriture, en la mêlant avec la soif de savoir qui se développe aussi par le travail littéraire. Cette poussée à la compréhension absolue est envisageable comme une véritable chasse (A. Adler), une investigation qui imprime ses rythmes à l’écriture (A. I. Squarzina) et au style (G. Tamburini, L. Demanze).
La troisième partie est ciblée sur l’importance du travail de compréhension de l’auteur à partir de « L’histoire et le temps ». La démarche de l’historien et celle du sociologue sont les deux perspectives analysées par rapport à sa représentation du présent à la lumière du passé (D. Viart, J.-B. Vray, P. d’Almeida, V. Cordiner, J. Mecke). La quatrième partie est centrée sur « La conquête symbolique du réel » : le travail d’observation et d’écriture de son quotidien dans ses Carnets et dans ses textes brefs démontre encore une volonté de compréhension, de classement et d’explicitation de la réalité, de la plus intime à la moins privée (P. Tamassia, C. Jérusalem, S. Coyault, S. Chaudier). La dernière partie, « Paysages et couleurs », aborde d’autres aspects fondamentaux du regard que Bergounioux porte sur le monde. L’importance des territoires, depuis son jardin changeant de saison en saison jusqu’aux forêts corréziennes de son enfance, par exemple, est présente dans presque tous ses ouvrages. L’écrivain n’a de cesse de se caler dans les profondeurs de la nature et de sonder les relations entre le sujet et le monde qui l’entoure (É. Langlois et L. Rieutort, L. Nissim, M. Termite, G. Larroux).
Le volume est enrichi d’une dernière partie consacrée aux « Voix d’écrivains » (M. C. Thomas, P. de Salvandy), comprenant un entretien où M. Majorano aborde avec l’auteur des sujets divers comme la place du livre dans le monde contemporain, la relation de la littérature aujourd’hui avec l’homme et le monde, notamment dans la prise en compte des transformations récentes de la vie des individus, celle du monde paysan désormais révolu, dont Bergounioux est l’un des témoins les plus représentatifs.